samedi 3 avril 2010

Rewind (part 1) : les grands moyens de Sony contre le piratage

On a bien pensé à un méchant poisson lorsque Sony annonçait dès lundi la disponibilité le 1er avril (!) d'une curieuse mise à jour système, puisque celle-ci n'introduisait aucune nouvelle fonctionnalité. Pire, il s'agissait là d'en retirer une, en l'occurrence l'option Other OS permettant d'installer un système d'exploitation tiers sur les consoles de première génération, option posant désormais des "problèmes de sécurité" selon le constructeur. Par "problèmes de sécurité", Sony entend bien sûr les exploits récents du hacker George Hotz, plus connu pour avoir développé le premier programme permettant de déverrouiller complètement l'iPhone. En début d'année, celui-ci expliquait sur son blog – fichiers à l'appui – avoir réussi à percer les défenses de la Playstation 3 en passant par une installation Linux, prélude possible à l'arrivée de toutes sortes d'applications "sauvages", du développement homebrew au piratage.

Voilà donc Sony qui, sans offrir de compensation visible (autre que la satisfaction toute relative de protéger les intérêts des "partenaires contenu" de la firme), annonce aux utilisateurs que leur machine sera très bientôt amputée d'une fonctionnalité pourtant mise en avant durant les tous débuts de la machine, lorsqu'il avait fallu convaincre un public sceptique de sortir 600 euros pour ce qui était alors considéré par beaucoup comme une "simple" console de jeu vidéo. La mise à jour n'est pas obligatoire mais la contrepartie (impossibilité de se connecter au Playstation Network plus, à terme, impossibilité de lancer les derniers jeux et/ou les derniers films Blu-Ray) ne laisse que peu d'alternatives. La nouvelle a donc provoqué les réactions que l'on imagine : rien que sur le blog officiel Playstation, presque 6.000 commentaires, la plupart négatifs. Partout ailleurs, grommellements, promesses de boycotts futurs, interrogations sur la légalité de la chose, etc.

Pourtant, au-delà de la déception légitime provoquée par l'annonce, la logique est implacable. Le piratage, Sony connait déjà sur sa plateforme portable, la PSP. Vite conquise par les hackers peu après sa sortie, la console a depuis été le terrain d'un jeu permanent du chat et de la souris, les mises à jour de sécurité répondant à la découverte de nouvelles vulnérabilités et vice-versa – mais sans succès apparent. "Le plus gros problème qu'a rencontré la PSP a été le piratage; nous ne sommes pas parvenus à enrayer le phénomène," déclarait en février dernier l'un des vice-présidents de Sony Computer U.S.A., au passé comme si la cause était désormais perdue. Effectivement, l'analyste Michael Pachter estime désormais que Sony "va dans le mur" avec la PSP, destinée selon lui à finir troisième derrière la DS et la plateforme iPhone. Quant à la récente PSP Go, laquelle ne compte que pour une fraction des ventes totales de PSP mensuelles et hebdomadaires, d'autres là voient déjà sur le chemin de la "mort lente".

D'un côté, donc, une menace potentiellement sérieuse pour la PS3. De l'autre, une fonctionnalité à laquelle la très grande majorité des utilisateurs de Playstation 3 est vraisemblablement indifférente, vestige embarrassant d'une époque – l'ère confuse du supercalculateur multimédia tel que rêvé par Ken Kutaragi – que Sony a définitivement laissée derrière soi. Autant dire que le choix a dû s'imposer de lui-même, d'autant que, selon Hotz, la vulnérabilité en question aurait été difficile à éliminer via un simple patch logiciel. Piètre consolation bien sûr pour ceux qui faisaient une utilisation légitime de Linux sur PS3, ou pour ceux qui, tout simplement, se demandent désormais si l'acte d'achat signifie encore quoi que ce soit dans un univers numérique 100% connecté où Amazon.com, par exemple, peut effacer de votre Kindle des livres pourtant payés, le tout sous la protection légale de contrats d'utilisation aussi restrictifs qu'abscons. Un meilleur des mondes visiblement pas tout à fait au goût de Hotz ; le hacker a confirmé préparer le développement d'une version modifiée de la fameuse mise à jour Sony laissant la fonctionnalité désormais indésirable intacte.

4 commentaires:

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Nico. a dit…

Sony fait bien d'essayer de protéger sa machine!!!

Si les gens sont furieux contre le retrait de Linux, ils n'ont qu'a s'en prendre a l'auteur du crack, qui est la cause et raison de ce retrait... sans cet imbécile, Sony aurait laisser Linux sur les Fat... Râler c'est bien, mais pour la bonne raison et contre les bonnes personnes, c'est mieux!

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Duke a dit…

Une excellente synthèse du problème, nice work.

@Nico
Le débat du digital-numérique-dématérialisé et de ses frictions avec le cadre (culturel, social, législatif, économique, que sais-je encore) rigide construit au fil des décennies par les médias plus vieux va bien, bien au-delà du "célafautàki" auquel tu te limites (en même temps, à ce que je lis sur ton profil, il s'agit de protéger ton gagne-pain, donc ça peut facilement se comprendre).
Il s'agit d'une refonte intégrale de notre culture et de comment on la consomme, et se limiter à une histoire de voleurs et de policiers, c'est se condamner à être à côté de la plaque. Il n'y a ni gentil ni méchant, seulement des émetteurs/fournisseurs/créateurs qui perdent un contrôle qu'ils croyaient acquis pour toujours, et paniquent face à des utilisateurs/consommateurs qui s'approprient tout ce qui passe et en font ce qu'ils veulent (le tout sans rien respecter).

Le train est en marche, vieux monde! Tu pourras mettre les obstacles que tu voudras sur sa route, la révolution Internet continuera de tout bouleverser sur son passage!