mardi 26 janvier 2010

Mass Effect 2, version IMAX

À jeu géant, présentation hors norme. Electronic Arts a fait de son mieux pour entrainer les médias dans l'espace. Dans la salle IMAX de la Géode à Paris on ne vous entend pas non plus vraiment crier, ou alors d'étonnement.


Il n'est même pas nécessaire de passer par l'écran de la Géode comme en a eu l'initiative Electronic Arts jeudi dernier pour s'en rendre compte. Mass Effect 2 est très probablement le plus beau jeu Xbox 360, toutes périodes confondues. Il s'aligne et dépasse même sans doute le haut de gamme de la PlayStation 3 comme Uncharted 2. Le level design rigoureux aperçu de Mass Effect 2 (MA2), la taille contrôlée des environnements explorables, comme dans Uncharted justement, permet au studio Bioware de pousser au maximum tous les effets de textures, de lumières, de reflets, de transparences, de forcer sur les polygones jusqu'à bien arrondir les angles des corps et volumes et ajouter une infinité de détails sur les équipements des héros. Les visages eux-mêmes impressionnent de finesse. Humains avec ou sans cicatrices, ou extra-terrestres frippés avec boursoufflures et ridules géantes. Tout cela sans qu'une baisse de framerate ne se fasse remarquer pendant les scènes d'action. À quelques effets d'escaliers près aperçus sur les petits écrans Samsung de démonstration, le rendu graphique correspond à celui des bandes-annonces HD téléchargeables sur Xbox 360. Mass Effect 2 est définitivement un jeu de 3e génération sur Xbox 360. Pour donner un ordre d'idée, la qualité visuelle en temps réel frôle celle du film en images de synthèse Final Fantasy : Les créatures de l'esprit. Un compliment pour le jeu mais le film datant de 2001, on voit que le jeu vidéo a encore un net retard sur les capacités digitales du cinéma. Presque 10 ans si l'on prend Mass Effect 2 en repère.

L'éditeur semble être tout à fait conscient des qualités visuelles exceptionnelles de MA2 et plutôt que de le déclarer au porte-voix, une présentation sur l'écran IMAX de la Géode à Paris valait bien des discours. Pas d'entourloupe, quoiqu'incurvée, l'image du jeu a bien gardé ses proportions 16/9 mais n'occupait évidemment qu'une partie de l'écran hémisphérique. Voir un jeu projeté dans de telles dimensions, assis dans de vrais fauteuils de cinéma occupés par plusieurs centaines de personnes, médias et gamers invités, provoque un drôle d'effet. D'abord une belle sensation de confort et d'immersion digne du cinéma, puis l'impression que le jeu vidéo, brusquement, a les ressources technologiques suffisantes pour passer à la vitesse supérieure. Ou plutôt à la taille supérieure. L'affichage géant accentuait forcément l'aliasing et enlevait éclat et contrastes aux couleurs, mais le choc était réel. Impeccables et proches des joueurs, speech et démonstration en temps réel d'Adrien Chow, "producteur" chez Bioware nous dit-on, a fait grande impression. Sa routine pourtant maintes fois répétées à travers le monde avant la France ne se ressentait pas en dehors de l'absence totale d'hésitations. Un sacré professionnel de la communication.

C'est bien gentil ces histoires de "graphismes" crie un lecteur au fond de la salle, mais le jeu lui-même que vaut-il ? Pour y répondre sérieusement il faut y toucher, ce qui n'a pas encore été le cas. L'observation minutieuse des joueurs aux manettes dans la salle d'attente avant la "séance" a tout de même permis de relever de belles choses. Reconfirmons-le encore une fois, on peut croire toutes les bandes-annonces, en version HD. Dès la création du héros, au choix masculin ou féminin, la différence avec le premier Mass Effect se ressent. Les scènes de dialogues, en anglais, sonnent plus "vraies" que le premier épisode. Le principe de sélection des répliques pose toujours un problème de latence au milieu des conversations et continue d'enlever tout sens du rythme que doit avoir une scène de dialogue entre plusieurs personnes. Le problème conceptuel de cohérence narrative provoqué par ces dialogues à choix multiple adorés par les amateurs de jeux de rôle à textes n'est pas encore résolu. Ni ici ni ailleurs. Les cadrages, voire le montage, redonnent heureusement du lustre cinématographique à ces scènes trop hachées. Les séquences de tir, toujours à la 3e personne et très vite au début de l'aventure, sont d'évidence beaucoup plus nerveuses. À l'œil, on jurerait qu'elles appartiennent à un jeu d'action à part entière contrairement aux mous échanges de Mass Effect 01. Après le bel exemple de Borderlands, la cohabitation d'un jeu d'action digne de ce nom et du jeu de rôle sans compromis de Mass Effect 2 semble enfin confirmer la fusion prochaine, complémentaire et systématique, des genres pour atteindre l'idéal d'un jeu total sans point faible (à moins de travailler volontairement à des jeux de rôle rétro concept descendant directement des jeux de rôles papier ou de plateau). Un petit doigt nous dit qu'un des meilleurs exemples de cette fusion viendra de la nouvelle couveuse id Software (Quake, Rage…) et Bethesda Sofware (les Fallout et Elder Scrolls).
Parmi la multitude de détails contenus dans un Mass Effect 2 visiblement réalisé avec beaucoup d'amour et d'attention, le contrôle manuel de son petit vaisseau, presque comme celui du Capitaine Olimar dans Pikmin, de planètes en planètes sur la carte en 3D de la galaxie, montre que, malgré son grand sérieux, ce Space Opera là veut aussi détendre l'atmosphère. L'aquarium géant à entretenir dans les quartiers du héros et le "hamster de l'espace" dans sa cage y contribuent aussi.

Sortie sur Xbox 360 le 28 janvier en France.

Nota bene, les dessous du jeu vidéo…
Pas facile de suivre. À la présentation presse de jeudi dernier à la Géode, le 21, tout le monde a été obligé de s'engager, en apposant sa signature, à ne rien publier sur le jeu avant le 26. Aujourd'hui jeudi 26, des tests, et non des avant-premières, fleurissent sur les sites français. À quoi bon cette présentation d'un soir et cet embargo factice si, au fond, des versions de tests allaient être mises à disposition de certains magazines et qu'aucun papier dit de "preview" ne pouvait sortir entre-temps ? Les coulisses de la presse jeu vidéo deviennent de plus en plus tordues, et contrôlées. Passons.

dimanche 3 janvier 2010

Dix expériences incontournables de 2009...


Assassin's Creed 2 (Ubisoft Montréal, PS3/X360)
Certains auront trouvé la première version, sortie il y a deux ans, un peu fade. Pourtant, cette suite le prouve : la fluidité des mécanismes plateforme, la précision des contrôles, la qualité de l'animation, cette sensation unique de liberté et de légèreté… l'essentiel était déjà là. Des bases solides qui ont permis à l'équipe Ubi canadienne d'envisager sereinement et logiquement le futur du concept : plus de missions et de sous-missions, plus de variété, plus d'exploration et d'énigmes, le tout relevé d'un soupçon d'aventure/rôle et de gestion. En bonus de luxe, l'univers Assassin's Creed se déploie enfin et révèle un scénario historico-parano style Da Vinci Code pas déplaisant du tout.

The Beatles : Rock Band (Harmonix/MTV, PS3/Wii/Xbox 360)
S'il y avait un groupe méritant une édition entière de Rock Band ou Guitar Hero, c'était bel et bien les Fab Four (next : Led Zeppelin). Mais au-delà de l'attrait quasi-universel de la tracklist (Oh ! Lucy in the Sky with Diamonds. Ouaiis ! I am the Walrus), Beatles : Rock Band s'est avant tout imposé comme l'un des tous premiers documentaires réellement interactifs et ludiques, bourré d'anecdotes pertinentes sur l'histoire et les méthodes de travail du quartet, assorti de nombreuses photos et même de vidéos d'époque. Plus que les rééditions d'albums, certainement le meilleur moyen de (re)découvrir l'un des plus grands groupes pop du vingtième siècle.

Closure (Tyler Glaiel, freeware Flash)
Tout pour plaire : un puzzle game retors aux mécanismes astucieux, dans un univers aux codes visuels et sonores largement inspirés de l'Eraserhead de David Lynch, le tout s'ouvrant sur des perspectives philosophiques. Ce que l'on ne voit pas existe-t-il vraiment ?

F.E.A.R. 2 (Monolith, PC/ PS3/X360)
Condensé et aboutissement de tout ce que le studio a fait jusque-là (Blood, Shogo, No One Lives Forever, Condemned…), F.E.A.R. 2 continue à s'éloigner du FPS pur pour privilégier une expérience hybride et atmosphérique empruntant au jeu d'aventure et, bien évidemment, au cinéma. A ce titre, le studio fait preuve d'un sens de la mise en scène épatant et accouche sans forcer de quelques séquences terrifiantes d'anthologie. Mais l'action n'est pas oubliée : s'attachant à satisfaire la soif de puissance du joueur avec une générosité rare, Monolith met à sa disposition arsenal impeccable, environnements méticuleusement conçus ne demandant qu'à voler en éclats, et jauge de ralenti offrant un avantage jouissif sur ses ennemis.

Flower (Thatgamecompany, PSN PS3)
Au lendemain du fiasco de Copenhague, le manifeste écolo de Jenova Chen et de son équipe reste plus que jamais d'actualité. Mais point ici de slogans braillards ou de délires alarmistes. Optant pour un propos, une démarche et un traitement uniques dans l'univers du jeu vidéo mainstream (le titre est produit par le géant Sony Computer Entertainment), Flower préfère la subtilité et la poésie, menant son combat bien réel à coups de brises et de pétales délicats. Salutaire à tous niveaux, une excursion sensorielle hors des moules habituels de la culture gamer, fleur au fusil.

Gravity Bone (Brendon Chung, freeware PC)
Ni une démo, ni un prototype, mais une expérience pensée et à la durée assumée, les quinze petites minutes de cette aventure racée aux effluves de mystère sont un petit régal de choix esthétiques audacieux et de fin storytelling évoquant le classique No One Lives Forever de Monolith. Forcément trop court, bien sûr, mais c'est là l'intérêt : plus qu'une fin en soi, Gravity Bone est un formidable tremplin pour l'imaginaire.

LostWinds 2 (Frontier Developments, WiiWare)
L'insouciance enfantine qui caractérisait le premier volet (excellent) a laissé la place à une aventure plus sombre et le jeu y gagne en puissance narrative, flirtant presque avec le conte. Mais parmi les réussites de la nouvelle version, on retiendra surtout la mécanique de changements de saisons, laquelle démultiplie les possibilités de jeu tout en restant fidèle au thème principal de la série, les interactions avec les divers éléments naturels. Un jeu qui a très bien mûri en somme, et ce à tous les sens du terme.

Noby Noby Boy (Keita Takahashi/Sony, PSN PS3)
"On aime ou on n'aime pas", "un jeu qui va diviser", a-t-on pu lire ici et là, comme s'il s'agissait là d'un cas compliqué. Alors qu'en fait, rien de plus simple. Voilà un vrai jeu d'auteur, refusant tout compromis (score, objectifs…) et ramenant le loisir à sa plus pure expression : la découverte de mécanismes interactifs, la curiosité et l'expérimentation. Plus proche de l'univers du jouet que de celui du jeu, Noby Noby Boy avance complètement nu et assume sans détour l'inutilité inhérente du médium. Gagnant facilement le titre d'œuvre ludique la plus audacieuse de 2009.

Swords and Soldiers (Ronimo Games, WiiWare)
Le nouveau challenge des créateurs originaux de De Blob ? Un jeu de stratégie temps réel pas en 3D, ni même en 2D, mais en 1D, soit sur une bataille épique se livrant sur une seule et unique ligne horizontale. Un croisement de Lemmings et de Warcraft donnant au RTS l'immédiateté et le fun du jeu d'arcade et, surtout, réalisant la synthèse parfaite et radicale des mécanismes classiques du genre.

Uncharted 2 (Naughty Dog, PS3)
Il aura fallu une seconde version au studio pour concrétiser pleinement des ambitions certes présentes dans l'original. Mais en deux ans, les progrès ont été remarquables : sens affûté du rythme et de la mise en scène, variété des séquences de jeu et des situations et, surtout, un niveau de qualité et un souci du détail que seuls ceux qui démarrent avec une idée extrêmement précise de leur projet – et qui disposent de la rigueur et de la discipline nécessaire pour maintenir l'intégrité de cette vision tout du long du développement – peuvent se permettre. Le premier vrai blockbuster Playstation 3, la machine qui, il y a quatre ans, promettait la fusion des univers jeu vidéo et cinéma.

... et cinq coups de cœur.

Bit.Trip Beat
(Gaijin Games, WiiWare)

Grand écart vertigineux entre préhistoire et contemporain, entre Pong et la synesthésie de Tetsuya Mizuguchi, le premier d'une série de titres néo-rétro (Core et Void sont sortis depuis, en attendant Runner, le quatrième) établit une corrélation directe entre la skill du joueur et l'extravagance de l'habillage visuel et sonore. Bit.Trip, littéralement.

Deadly Creatures (Rainbow Studios, Wii)
Clair jeu de genre (action/aventure plutôt codifiée, thème principal fleurant bon le film d'insectes dangereux), Deadly Creatures sort du produit calibré "frisson facile" grâce à une poignée de choix intelligents : la nature des protagonistes – qui marchent au plafond ou sautent de toile en toile – y est pour beaucoup, mais le studio prend également bien soin d'éviter tout contact humain, entretenant ainsi le mythe d'un monde grouillant, souterrain et terrifiant.

Dead Space Extraction (Visceral Games/Eurocom, Wii)
Concentré des qualités de l'original (toute la mécanique de shoot, le storytelling…), cette déclinaison sur rails façon Time Crisis/House of the Dead surprend par son rythme inattendu, délaissant le blockbuster action qui semble nourrir le genre pour l'intimité des pages de comic book.

Drop7 (Area/Code, iPhone)
Difficile de choisir un seul jeu tant la plateforme, dont la popularité n'est plus à prouver, s'est désormais imposée comme un refuge de choix pour toutes sortes de perles indé. Drop7 remporte cependant très largement la palme en termes d'heures de jeu pures. Elégant (au propre comme au figuré) puzzle game mathématique évoquant Tetris ou Sudoku, on y joue partout ; au resto en attendant l'addition, durant les pubs d'un match de foot U.S., au lit en attendant l'extinction des feux, etc.

The Saboteur (Pandemic, PC/PS3/X360)
Les séries B ont parfois du bon et avec ses petits bugs graphiques rigolos, ses balades sur les toits d'un Paris fantasmé, sa vision complètement fantaisiste de la Seconde Guerre Mondiale et sa poignée de bonnes idées, le dernier jeu du studio Pandemic (littéralement) offre une expérience Assassin's Creed-like étonnamment chaleureuse, les aventures d'un Zorro résistant aux prises avec des nazis plus bêtes que méchants. Loin d'être parfait, mais parfaitement charmant.