jeudi 31 décembre 2009

BEST OF 2009 : Les jeux, les jeux, les jeux

Cet espace à la marge depuis la fermeture de la façade officielle d'Overgame n'est pas mis à jour avec beaucoup de régularité - que les lecteurs encore de passage nous excuse. Mais, qu'on ne s'y trompe pas, les deux voix qui s'y expriment encore restent totalement attachées au jeu vidéo. Avec la même passion et la même exigence. Voici ce qu'elles ont à dire sur les jeux qui ont marqué les 12 mois de l'année 2009.


(le best of d'Eric Simonovici est à venir)


Best of jeux 2009

François Bliss de la Boissière


Comme d'habitude ici, les créations originales restent privilégiées aux suites attendues, même quand celles-ci font mieux que leurs prédécesseurs ou que les titres inédits. On ne voit pas pourquoi les gamers devraient payer les répétitions et les pots cassés de productions qui auraient besoin de 3 épisodes payés plein tarif pour trouver leur bonne formule. Le Work in progress live et payant devrait cesser pour les grosses productions. Un mot aux développeurs à propos des contenus additionnels. Ne placez pas la difficulté des chapitres inédits à acheter au niveau de la fin du jeu principal. C'est une décision qui déboute les candidats potentiels. La majorité des jeux ne sont pas terminés par les joueurs, souvent à cause de la difficulté, mais on peut tout à fait avoir envie d'y jouer davantage. A condition de ne pas se faire laminer dès le début du DLC.


Meilleurs jeux originaux / consoles de salon 2009


- InFAMOUS (PS3) : Le studio Sucker Punch a tout compris des besoins et des envies d'un free roaming game pour sa première réalisation PS3. Le jeu qui dégage le plus de liberté physique, qui offre le plus d'aptitude et de plaisirs à la gymnastique sur les toits depuis toujours. Bien plus sophistiqué au bout des doigts que l'excellent Assassin's Creed II par exemple.

- Little King' Story (Wii) : Encore un bijou pour tous les âges qui passe inaperçu sur une Wii qui ne se porte jamais mieux que quand elle accueille des expériences graphiques et interactives artistico-créatives. Douillet comme un RPG époque 16 bits, agréable comme un Pikmin, fin comme un Okami, drôle comme une BD d'humour transgénérationnelle.

- DJ Hero / The Beatles : Rock Band (ex aequo) : S'il fallait en retenir 2 dans la déferlante des jeux musicaux, ce serait immanquablement ceux-là. Un peu raide et décevant côté musique, DJ Hero raccroche enfin la guitare au profit d'un platine de mixage. La très chic version Beatles de Rock Band signe aussi la fin de la domination du gros rock sans nuance sur le genre. À apprécier comme de nouveaux départs même si dans les 2 cas les prix de vente restent prohibitifs.

- Batman : Arkham Asylum : Ça déborde de muscles apparents mais ils étaient déjà bien visibles dans la BD de référence. L'adaptation réussie d'un univers venant d'un autre médium est si inhabituelle quelle provoque un choc que l'on voudrait voir se répercuter sur toutes les autres tentatives.

- Mini Ninjas : Un gentil héritier des Zelda, du cell shading, de la culture Ninja, de la bande-dessinée, du dessin animé et, plus généralement, d'un bon esprit qu'on aimerait retrouver plus souvent dans le jeu vidéo.



Meilleures suites 2009 / consoles de salon


- Assassin's Creed II (Xbox 360) : Confirmation que le premier jeu n'était qu'un brouillon, que l'ambition du projet nécessitait encore plusieurs années de travail, et que l'équipe d'Ubisoft Montréal est capable de mener à bien des jeux d'une qualité technique et artistique exceptionnelle.

- Uncharted 2 : Among Thieves (PS3) : Confirmation que le premier jeu était si formidable qu'il fallait tomber dans la surenchère pour faire mieux. Génial mais attendu. La rançon du talent.

- Forza Motorsport 3 (Xbox 360) : En trois temps et autant de tentatives, la série Forza réussit à se hisser à la hauteur technique du modèle Gran Turismo. Il manque encore une richesse structurelle mais en terme de conduite il n'y a pas mieux. En attendant le retour du patron.

- Killzone 2 (PS3) : Plus une réinvention qu'une suite puisque le premier jeu date de la PS2, Killzone 2 lasse quand il se la joue Call of Duty de l'espace mais épate par sa technique, la réactivité des ennemis et quelques fulgurances graphiques.

- Colin McRae : Dirt 2 : Un confort de conduite en toutes circonstances, mêmes les plus chaotiques, pour une réalisation technique très impressionnante qui cache avec habilité quelques raccourcis de game design, comme le manque de trajets A-B au profit de circuits en boucle déplacés en si grand nombre dans une simulation de rallye.

- Call of Duty : Modern Warfare 2 : Peu à redire en terme de dynamique de gameplay, de recherche de rythme et d'impact sensoriel, la série reste maître sur ce terrain. Si seulement un minimum de cohérence intellectuelle voulait bien suivre.

- Silent Hill : Homecoming : Le pire était à craindre de ce développement confié à une équipe américaine et le meilleur en est presque sorti. Techniquement abouti, respectueux des codes esthétiques et des frissons originaux, non seulement cet épisode ne fait pas honte aux précédents mais il fait mieux que d'autres.

- Street Fighter IV : Bien vu Capcom qui opte pour un relookage visuel BD chic spectaculaire tout en gardant les bases du gameplay 2D original. Consensus générationnel réussit. Au point que l'exploitation de la série semble déjà bien relancée avec un "Super" SFIV déjà attendu au début 2010.

- Fight Night Round 4 : À chaque itération, EA Canada signe de mieux en mieux sa droite, sa gauche, son jeu de jambes, et la modélisation hyper réaliste des boxers en sueurs. Très impressionnant.


Meilleurs outsiders avec du style


- Borderlands : Les affolants et hilarants trailers conduisent à un mélange de FPS et de RPG plus prometteur que totalement satisfaisant mais bouillonnant d'envies contagieuses. Le délirant et abouti design s'inspire directement du trait BD de Tanino Liberatore (Ranx Xeros) pour accoucher d'un univers punk/Mad Max original dans le jeu vidéo.

- The Saboteur : Plus fantasmé que sérieux, le Paris vu de Californie a le mérite d'esthétiser un Paris noir & blanc que n'oserait même pas l'amateur de chromo Jean-Pierre Jeunet et d'offrir, via un DLC offert aux acheteurs neufs du jeu, des nudités full frontal de cabaret agréablement (dé)culottées.

- Brutal Legends : Beaucoup de soin, de bonnes volontés, d'idées même, mais le look et l'ambiance hard rock US, têtes de mort et dragon c'est à la fois très américain et plus ringard que contemporain, même avec clins d'œil.

- WET : Raté mais avec panache. L'ambiance pulp 70's régurgité par la culture Tarantino aurait pu faire merveille si le gameplay avait été à la hauteur des trailers punchy.


Best of mobiles


- Grand Theft Auto : Chinatown Wars (DS) : Belle réinvention du principe de jeu qui se fait l'écho de la version 3D tout en rappelant les origines top down view 2D de la série tout en exploitant les possibilités tactiles du stylet de la DS. Encore un incroyable exemple de game design pensé jusqu'au bout par Rockstar.

- Rythm Paradise (DS) : Nintendo se penche à son tour sur les jeux de rythmes musicaux et, patatras, trouve le moyen de remettre en même temps sur la table tous les principes déjà établis pour mieux les contourner, les explorer et interroger sans le dire la position du joueur. A ce niveau de manipulation post WarioWare on reste le souffle coupé.

- Rolando 2 : Quest for the Golden Orchild (iPhone) : Originellement pompé sur les LocoRocos de la PSP et PS3, cette création indé trouve sa marque originale grâce une inventivité tout terrain (littéralement) et à l'exploitation des possibilités de contrôle de l'iPhone.

- The Legend of Zelda Spirit Tracks (DS) : La réexploitation du moteur graphique et des couleurs cartoons rugueuses sur DS commencent à sentir le réchauffé, peut-être aussi à cause d'un tchoutchou sympathique mais peu sexy à côté du bateau précédent. Un rapport je t'aime/moi non plus commence à s'instaurer avec les personnages historiques de Nintendo qui répondent de plus en plus présents comme des fonctionnaires du jeu vidéo.

- Big Band Mini (DS) : Encore une évidence de réinvention maligne et raffinée d'un gameplay à l'ancienne par les super artisans (c'est un compliment) du studio français Arkedo déjà responsable du génial Nervous Brickdown

- Edge (ou Edgy) (iPhone) : Les choses les plus simples peuvent devenir les plus fascinantes avec le bon équilibre de design graphique épuré, de game design et de touché. Un puzzle action game qui se réinvente lui-même grâce, encore, aux contrôles inhabituels de l'iPhone.


Best of rééditions…


- Donkey Kong Jungle Beat (Wii) : Un oublié explosif de la ludothèque GameCube qui retrouve une nouvelle vie, toujours aussi épuisante, avec le couple Wiimote/Nunchuk à la place des Bongos originaux.

- Pikmin 1 et 2 (Wii) : Impossible de manquer les si logiques remixes versions Wii des dernières vraies créations originales signées Shigeru Miyamoto dans la catégorie jeu vidéo "traditionnel".

- God of War trilogy (PS3 US)

- Metroid Prime Trilogy (Wii)

- Chrono Trigger (DS)

- Myst (iPhone) : Vertige, le responsable de la popularisation du support CD-Rom dans les années 90 se joue maintenant en touchant un écran lové dans la paume de sa main. Choc spatio-temporel.

- Banjo-Tooie (XBL)

- Flashback (iPhone)

- Oddworld 1 et 2 (PSN)

- Final Fantasy VII (PSN)

- The Secret of Monkey Island : Special Edition (XBL / PC)

- Fable II en épisodes (XBL) : Belle initiative de Peter Molyneux de trouver un nouveau public en le convainquant de jouer, et donc de payer, chapitre par chapitre. D'autant plus courageux que le jeu n'a pas été conçu pour ce morcellement. Un probable modèle pour le jeu dématérialisé de demain.


Best of jeux téléchargeables


- Flower (PS3) : Jeu de l'année pour les magazines les plus affutés et qui auront raison. Sortie du bouillonnement subaquatique créatif du déjà exceptionnel flOw, Flower constitue indubitablement un énorme progrès dans la notion même de ce que peut exprimer un jeu vidéo.

- PixelJunk Shooter (PS3) : Encore une mine d'or sensorielle néorétrograde et totalement jouable de l'équipe déjà responsable d'Eden.

- Shadow Complexe (Xbox 360)

- NyxQuest : Kindred Spirits (WiiWare)

- Lost Winds 2 Winter of the Melodias (WiiWare)

- Trine (PS3 mais trop cher à 20 €)

- Machinarium (Mac/PC) : Un pointé-cliqué à l'ancienne à l'ambiance cliquetis zen humour noir qui entraine la scène des Flash games vers de nouvelles profondeurs.


Best of DLC (contenu additionnel)

- WipEout HD Fury (PS3) : Totalement époustouflant.

- GTA IV : Episodes from Liberty City (The Lost and the Damned / The Ballad of Gay Tony) Xbox 360

- Mirror's Edge (PS3)

- The Saboteur


Déceptions dramatiques…


- Resident Evil 5 : Psychorigide à tous les niveaux : gameplay raide antédiluvien, aveuglement à l'imagerie africaine exploitée vulgairement.

- Wii Sports Resort : Miis, visuels, bruitages, "musiques", vus et revus et réentendus maintenant depuis 3 ans et la sortie du premier Wii Sports. Ce n'est plus drôle.

- The Conduit (Wii) : Les commentaires post E3 2009 ont laissé croire à l'existence d'un super FPS bien tenu sur la Wii. A l'arrivée le jeu hyper rigide rappelle l'époque Nintendo 64 plus qu'autre chose.

- New Super Mario Bros. Wii : Sans faire de procès d'intention à Nintendo et Miyamoto-san qui ont certainement raison de viser une catégorie de public nostalgique ou encore déconcerté par la 3D, on s'étonne de la platitude de l'ensemble, du niveau de difficulté absurde dès le 2e monde dans le sable qui, après coup, explique davantage la présence du Super Guide. Et les parties chaotiques à plusieurs n'ont pas la suavité juvénile de Little Big Planet.

- Bionic Commando : Tout semblait réunit pour relancer le héros dans les années 2000 et puis, au touché, le jeu échoue à faire plaisir.

- Fuel : L'open world version courses motorisées donne envie sur le papier et peine à trouver vraiment ses marques. Même l'impeccable série Burnout a déconcerté en s'y essayant. A fortiori un jeu techniquement faillible.

- Avatar : L'attraction du film de Cameron était si forte qu'on a cru que le miracle espéré du film (et plutôt atteint) irait jusqu'au jeu. Hélas, le relief du jeu ne profitant à personne, il ne reste qu'un jeu d'action bien morne.

- Gran Turismo (PSP) : Non seulement jouer sur PSP est une épreuve en soi – temps d'accès, MAJ fréquentes, autonomie - mais la version a minima du monstre de Polyphony Digital perd tout intérêt sans sa maniabilité haut de gamme et sa structure complexe.


Faits notables du point de vue gamers…


- La consolidation des jeux open world désormais presque tous fiables : Assassin's Creed II / The Saboteur / Prototype / Borderlands…

- Le succès commercial stratosphérique de COD : Modern Warfare 2 qui risque de faire – comme GTA en son temps - un paquet d'émules (à commencer par le reboot de la série Medal of Honor d'Electronic Arts).


STOP…

- La game Musicexploitation ! Selon les pays pas toujours alignés, Guitar Hero World Tour + Metallica + Van Halen + Greatest Hits +, enfin, le 5 en 12 mois ça fait beaucoup, non ? Sans même compter les versions portables, les Rock Band 2 + Classic Rock Track Pack + Country Track Pack + Track Pack Metal + The Beatles + Lego Rock Band c'est aussi l'overdose. Et que dire du spamming permanent des stores Xbox et PS3 que constitue l'empilement interminable de chansons à acheter au détail pour les uns ou les autres. Et par dessus tout ça on rajoute un Band Hero, un Rock Revolution. Et on s'étonne que le pourtant pas si mal DJ Hero ne trouve pas sa place ? Comment ça il y aussi une multitude de jeux de karaoké ?!

- La Sonicexploitation de plus en plus dure, et embarrassante.

- Les trop nombreux et peu intéressants contenus additionnels de l'adorable Little Big Planet qui frôlent la mendicité et finissent par polluer le PS Store.

- Le racolage à outrance du public de masse par Nintendo.

- Les packs consoles démultipliant les offres, les tarifs, les ristournes sous 3 mois (et pourquoi pas tout de suite), les écarts de prix et la reconduction des fractures numériques (sans DD ? 60 Go ? 120 Go, 250 Go ?).

- Les "carnets de développeurs" pseudos documentaires making-of promotionnels jusqu'à l'obscénité.


ENCORE…

- Noby Noby Boy

- Les jeux en noir & blanc façon The Saboteur.

- Les jeux concepts à vocation universelle comme Flower.

- Les remixes HD façon les Banjo Kazooie sur Xbox Live ou les God of War sur PS3.(Qui a dit Ico et Shadow of The Colossus en parallèle à la sortie de The Gardian ?)

- Le fignolage incroyable des jeux supervisés par Sony. Killzone 2, Uncharted 2, Ratchet & Clank, inFAMOUS, Flower… c'est un quasi sans faute non ?

- Le dynamisme et la capacité de renouvellement de l'interface de la Xbox 360.

- Le jeu en relief envisageable sur PS3 dès 2010 !

mardi 15 décembre 2009

The Saboteur : S comme Zorro

Pour son dernier titre (littéralement), Pandemic offre une vision fantasmée et extrêmement romantique de la capitale, les aventures d'un résistant surhomme aux prises avec des nazis plus bêtes que méchants. Un peu bancal mais plutôt intéressant.


La fermeture d'un développeur de jeu quelques jours avant la sortie de son tout dernier titre est rarement très bon signe. C'est pourtant ce qui est arrivé à Pandemic, dans la foulée d'une réduction importante d'effectifs (1500 postes) décidée par la maison-mère Electronic Arts il y a quelques semaines. Non pas que l'on soit terriblement surpris : ni franchement horrible, ni sauvagement génial, le studio s'est fait connaître avec quelques productions sympathiques (Full Spectrum Warrior, Destroy All Humans !) sans jamais néanmoins parvenir à réellement se faire un nom, au contraire des cousins Bioware avec lesquels ils s'étaient associés en 2005. De Saboteur, on se souvient d'une présentation hallucinante à l'E3 dernier. Soi-disant basé sur le Paris occupé du début des années 40, le jeu empilait déjà avec enthousiasme des invraisemblances tellement énormes qu'elles en devenaient comiques : enseignes promettant du "pain délicieux" ou du "sexe bon marché", présence d'un red light district où les bars ressemblent à des saloons de westerns.

Saboteur, c'est d'abord un jeu qui fantasme complètement son sujet, de la géographie des lieux (la capitale entourée de montagnes, la Picardie juste derrière le périphérique…) à l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale, en passant par la menace nazie. De Paris, Pandemic ne retient que l'ultra-superficiel et la carte postale : les néons – dont la présence est accentuée par la jolie charte graphique noir et blanc à la Sin City –, les toits brillants, les immanquables (Tour Eiffel, Montmartre…) et l'indispensable accordéon dans la bande-son. Le choix du GTA-like, lui, estompe les efforts de la Résistance en tant qu'entité globale au profit des exploits d'un seul (sur)homme, mercenaire surdoué auquel rien ne semble résister. On le verra donc avec incrédulité faire exploser tourelles et blindés à lui tout seul, étaler des nazis en pleine rue sans que personne n'y trouve à redire, décimer des patrouilles entières avec à peine une égratignure, ou déjouer le Reich tout-puissant lancé à ses trousses en cherchant refuge dans un simple cabanon.

Il y a du coup quelque chose de très romantique dans la vision de Pandemic ce qui, en termes de jeu, n'est pas complètement déplaisant. Evoquant une version moins aboutie techniquement mais plus chaleureuse d'Assassin's Creed, le joueur arpente les rues et les toits parisiens à la recherche de mitrailleuses sol-air ou de radars, s'arrêtant occasionnellement sur le chemin pour délivrer une belle demoiselle harcelée par un soldat nazi, tel un Zorro résistant. L'intelligence artificielle, niveau Sergent Garcia, facilite grandement la tâche : régie par des règles simplistes, elle ne s'affole que très modérément (qu'il y ait corps en pagaille au sol ou structures démolies) pourvu que le joueur soit hors de sa "zone de suspicion", myope au point de parfois s'arrêter à quelques mètres à peine de la scène du crime, permettant par exemple au joueur de sniper dans une scandaleuse impunité en un minimum d'effort.

Tout cela n'est pas désagréable : les missions sont plutôt intéressantes, le pilotage de véhicules surprend par son répondant, et un système de méta-objectifs avec récompenses "tangibles" (voitures, coups supplémentaires…) apporte un peu de structure au "bac à sable" traditionnel de l'open world, en plus des multitudes de cibles libres à détruire. Quelques bugs plus drôles que méchants subsistent (soldats volants ou à moitié ensevelis dans le sol, gestionnaire de collisions pétant soudain les plombs) – le jeu en devient presque touchant. Car c'est un peu cela Saboteur : ni franchement horrible, ni sauvagement génial, mais avec le charme sincère de ceux qui ont donné tout ce qu'ils ont pu, jusqu'à exposer les limites supposées de leurs compétences, pour concrétiser une poignée de bonnes idées. Pour des seconds couteaux, on fait pire comme épitaphe.

jeudi 10 décembre 2009

FORZA MOTORSPORT 3 vs GRAN TURISMO 5 : Les absents ont toujours tort

De l'art et la manière dont regorge Gran Turismo, Forza 3 a du second et pas encore du premier. Inutile de faire semblant, chaque minute de Forza 3 renvoie à son modèle Gran Turismo. Alors regardons en face.


Quatre ans. Il aura suffit de seulement quatre années à la série Forza Motorsport initiée par Microsoft pour se hisser à la hauteur de Gran Turismo. Quatre années qui correspondent peu ou prou à l'OPA technologique que les États-Unis ont réussi à faire sur l'industrie du jeu vidéo japonaise. Dès la première tentative sur Xbox en 2005, Microsoft cachait à peine son objectif : faire sur sa console l'équivalent du fameux Gran Turismo de la japonaise PlayStation 2. Une tâche colossale qui a laissé quelques malheureux candidats sur le carreau (un soupir pour Sega GT sur Dreamcast par exemple). Prêt à tout pour convaincre définitivement le compatriote Electronic Arts alors leader de rallier sa cause sur Xbox, Microsoft a du jour au lendemain accepté de stopper la production de simulations sportives sous sa propre marque dès 2004. Mais tant qu'il s'agissait de concurrencer les productions japonaises impossibles à séduire ou indexer, le géant américain n'a pas lâché prise. Le résultat après trois tentatives progressant à la vitesse de l'écrasante volonté américaine, un Forza troisième du nom, et déjà aussi deuxième essai sur console HD, qui frôle pour de bon la référence toutes catégories confondues Gran Turismo.

Encore au garage
Pendant la même période, depuis le dernier grand rendez-vous Gran Turismo 4 sorti quelques mois avant le premier Forza sur PlayStation 2 en 2005, le maestro de Polyphony Digital est quasiment resté au garage. Le Gran Turismo HD Concept gratuit au lancement de la PlayStation 3, l'esquisse Gran Turismo 5 Prologue en 2008 et la nouvelle démo GT Academy 2010 offerte le 17 décembre prochain sur PSN continuent de teaser un Gran Turismo 5 complet qui joue indéfiniment les timides (mars 2010 au Japon). Et avec raison quand on voit le seuil qualitatif atteint par Forza 3. Mieux valait pour Sony et son studio laisser passer l'orage, observer l'adversaire, analyser les innovations et le fiable mode en ligne, point fort des productions sur Xbox 360. Quitte à se contredire, le célèbre patron du studio japonais, Kazunori Yamauchi, avait déclaré en juin dernier que GT5 était, au fond, prêt à sortir à n'importe quel moment, sous entendu quand son éditeur Sony le souhaitait. Au moment d'annoncer que le jeu ne serait commercialisé qu'au début 2010 et non à Noël 2009 comme supputé par tout le monde, Sony place un panneau descriptif à côté de la démo de GT5 du Tokyo Game Show de septembre qui précise que seulement 65 % du développement du jeu serait terminé. Que croire ? Peu importe. La réalité concrète aujourd'hui se nomme Forza Motorsport 3 et se joue dès cette fin d'année. A condition d'être équipé d'une Xbox 360.

Prise de distance
Forza 3 impressionne d'autant plus qu'il est seul en piste et a enfin compris les détails de mise en scène de l'interface lui greffant le cachet classieux qui lui manquait encore. Après les chocs telluriques Colin McRae Dirt 2 et d'un Need for Speed : Shift bien énervé, la force tranquille affichée et démontrée manette en main par Forza 3 a des allures de maître du jeu prenant de la hauteur. Le blanc des menus, les légers reflets des typos, les quelques lignes fines qui séparent des menus simples et épurés, l'électro chic et neutre de Lance Hayes, même la langueur des chargements entre les menus semble chercher une zen attitude imposant le respect à la Gran Turismo. Car le work in progress du studio Turn 10 appartenant à Microsoft va jusqu'à imiter, sans doute sans le vouloir, les défauts de son aîné. Les chargements bien trop longs des circuits, l'aliasing marqué, voire le petit pop up occasionnel d'un bout de décor, prouvent que la physique des moteurs et de la dynamique des jeux de voitures de ce calibre mangent une belle tranche des capacités de calculs, même des dernières consoles haut de gamme (cela étant dit, Dirt 2 des prodiges anglais de Codemasters, se passe à 99% d'aliasing sur Xbox 360 ET sur PS3).

Replay forever
Plutôt bien conditionné avant d'arriver enfin en piste, l'apprenti pilote ne doute plus de rien une fois la course lancée. Comme toujours, et heureusement, c'est dans l'action et l'échange interactif entre le gamer et le jeu que tout se joue. Plus vive que celle de Gran Turismo, sans doute un rien moins réaliste, la prise en main des voitures de Forza 3 offre tous les plaisirs d'une pseudo simulation. Les mains y croient et la tête suit. Nul doute que l'on pilote tel bolide, que l'on dispute la ligne d'arrivée avec 7 autres concurrents. Surtout, contrairement aux célèbres files indiennes de Gran Turismo, les NPC (Non Playable Cars) adoptent des comportements beaucoup plus excitants tout en restant tout à fait crédibles sur la piste. Les sorties de pistes des adversaires ne font pas forcées, le peloton cache bien son jeu, respecte les mêmes règles de conduite que le joueur, à la merci d'une fausse manœuvre crédible ou d'un dépassement risqué. Comme dans Gran Turismo pourtant, le pilote peut encore jouer sans réelle pénalité les stocks cars indélicats pour franchir un virage ou ouvrir le peloton. Optionnel, l'impact sur la conduite des dégâts visuels et mécaniques se règle à volonté. Il faudra voir quelle route les voitures incassables de Gran Turismo 5 emprunteront après cette leçon de maîtrise. Le premier Forza avait imposé le très malin système de ligne de conduite dessinée sur la route devant la voiture, au point de voir les apéritifs Gran Turismo 5 l'adopter. Polyphony Digital suivra-t-il également Turn 10 avec la mise à disposition totalement à volonté et illimité d'une fonction replay en cours de course, même de carrière officielle, comme l'ose Forza 3 ? Cette innovation conceptuelle inventée par Codemasters dans Race Driver : Grid puis Dirt 2 est en passe de s'imposer comme une option finalement indispensable. Pour les apprentis conducteurs comme pour les amoureux de la perfection, le bouton rewind appartient désormais au set de commandes du véhicule aux côtés de l'accélérateur, du frein et des passages de vitesse. Appuyer rapido sur le bouton Select du rewind avant de heurter de plein fouet la palissade et d'entendre le cash honteux devient éventuellement un mini défi en soi. Chacun y trouvera son utilité, y compris celui de le juger tabou et donc d'apprendre à le contourner. Encore un défi…

Encore un petit effort
Ce que ne fait pas Forza 3 en revanche et que Gran Turismo 5 ne manquera pas de proposer et souligner à sa sortie, c'est offrir des parcours de rallye et une météo variable. Pas de nuit, pas de pluie, pas de neige ou de verglas dans Forza 3, le soleil brille tous les jours dans des décors au rendu inégal, plus arcade à la Sega Rally que vraiment photo réaliste, et les carrosseries qui reflètent tout dans les moindres détails ne s'en portent pas plus mal. Mais en terme de renouvellement de l'expérience de la conduite, la simulation de Microsoft arrive vite à une limite. Même avec un échantillonnage de 400 voitures, et surtout 100 tracés officiels déjà bien souvent parcourus ici ou ailleurs. Toutes les pistes sur goudron renvoient ainsi le même impact de conduite, et beaucoup trop vite dans la structure pourtant assez élaborée du mode carrière, la difficulté se corse surtout en augmentant le nombre de tour des championnats. Le principe de répétition est évidemment inscrit dans toute pratique du sport. Il dessine aussi les limites de l'exercice. Beaucoup plus élaborée de ce point de vue là, la série Gran Turismo arrange ce mal nécessaire en multipliant les variations, les mini épreuves et les franchissements des fameux permis de conduire, test par test, centième de seconde par centième de seconde. Et, surtout, sur le modèle d'un bon RPG, Gran Turismo intègre la digestion progressive de son complexe système de jeu comme faisant partie du jeu lui-même. Efficace et sans doute trop direct malgré quelques fourches de choix, Forza 3 déroule son arborescence avec confiance mais sans magie.

Aîné et cadet nez à nez
Forza n'a plus Gran Turismo dans sa ligne de mire quelque part à l'horizon d'une route sinueuse, mais contre son pare-choc avant sur une ligne droite commune qui ne fait plus de quartier. En ne sortant pas à Noël 2009 et en laissant la passable version PSP Go prendre sa place, Gran Turismo 5 s'est offert un répit de quelques mois. La série de référence finira sans doute par arrêter de snober dans son coin en promettant le Graal de la simulation de conduite et rejoindre la grille de départ. En attendant, Forza est seul en piste* et les pilotes virtuels n'ont pas à se poser de dilemme déchirant.

* En tête aujourd'hui faute de concurrent, Forza 3 ne lâchera pas facilement sa pole position. A peine l'annonce de la nouvelle démo GT Academy 2010 mâtinée de championnats réels tombée le 3 décembre (pour le 17), Microsoft annonce 5 jours plus tard avoir vendu 1 millions de Forza 3 et la disponibilité immédiate d'un pack de nouvelles voitures à télécharger (400 points) ! La course n'est vraiment pas terminée.

mercredi 2 décembre 2009

BRÜTAL LEGEND : prog-rock


Lorsque, dès les premières minutes du fantastique menu principal, la vedette Jack Black promet une expérience censée nous "ravager l'âme", on se dit que l'humour clin d'œil qui caractérisera le titre tout entier fonctionne déjà à plein. On ne trouvera en effet rien ici de l'histoire et des séismes modernes du genre metal, rien des Melvins ou de Lamb of God, pour ne citer qu'eux, et certainement rien du post-doom dévastateur de Sunn O))). Ravager l'âme, donc, est surtout une grosse private joke : Brütal Legend a bloqué le compteur sur les années 70-80, lorsqu'une poignée de pionniers et une horde de sympathiques barbares ont poussé les potards à 11, se rêvant princes des ténèbres ou septièmes fils de Satan, un cirque parfois grand-guignolesque qui, plus de trente ans après, continue visiblement à fasciner. Cela fait déjà quelques années que Guitar Hero et Rock Band ont bien réhabilité le mythe côté jeu vidéo, mais on ne pourra pas accuser Tim Schafer, architecte de ce nouvel hommage, de vouloir simplement récupérer le phénomène : c'est lui qui a assemblé la somptueuse bande-son du jeu (107 morceaux et 75 groupes différents), un retour vers une époque où "la musique était vraie" dira-t-il via la bouche d'Eddie, le roadie héros du jeu.

Brütal Legend confirme d'abord que le designer de Grim Fandango et du récent Psychonauts n'a pas son pareil pour accoucher de situations mordantes et pour faire vivre des univers singuliers. En particulier, il condense ici le genre tout entier avec une précision sidérante : musique, bien sûr, mais aussi personnages-types (aussi bien côté fans que côté musiciens), codes visuels et vestimentaires (noir prédominant, chromes rutilants, maquillages et cuir…) ou thèmes (l'enfer et ses démons, le feu, mythes et légendes, moyen âge et heroic-fantasy). Surtout, Schafer trouve le ton juste entre révérence respectueuse et nécessaire lucidité, visiblement passionné mais pas très loin non plus du trip satirico-nostalgique à la Spinal Tap. Car si le son heavy metal n'a au global rien perdu de sa puissance, une partie de son folklore, en revanche, a méchamment vieilli, à l'instar des guest stars goguenardes Ozzy Osbourne et Lemmy (du groupe Motörhead), personnalités culte, sans aucun doute, mais dont l'impertinence et l'audace sont désormais bien émoussées.

Brütal confirme malheureusement une seconde chose : que Schafer est loin d'être un génie du game design. Débordant d'une ambition très inhabituelle (la grande majorité de ses titres jusque-là ont été construits sur des mécaniques simples, la plupart héritées du classique jeu d'aventure), le créateur multiplie ici les influences et les emprunts XXL, du beat'em all au GTA-like, en passant par la stratégie temps réel, avec même un soupçon de beat-matching à la Guitar Hero. Un vieux proverbe dit que l'on ne peut pas tout (bien) faire en même temps, et cela n'a jamais été aussi vrai que pour un melting pot aussi disparate. Quelle que soit la mission (escorter des alliés, remporter une course automobile, capturer des créatures sauvages…), les interactions avec l'univers et les personnages semblent rigides et approximatives, parfois même jusqu'à rendre les tâches les plus simples inexplicablement pénibles et complexes. La frustration atteint son paroxysme lors des séquences de bataille, d'une ergonomie si désastreuse (des solos de guitare doivent être joués pour donner des ordres aussi cruciaux que rappeler son armée ou définir un point de ralliement) qu'elle annihile toute dimension tactique.

Le plus décevant n'est pas tellement que ces éléments n'aient pas été peaufinés à un degré de qualité raisonnable ; en voulant trop faire, Schafer s'éloigne avant tout de ce qui constitue l'essence de son sujet. Le metal, comme le rappelle d'ailleurs le jeu lui-même, est la musique de l'instinct et de la force brute, un exutoire primaire et magnifique joué de préférence fort et vite. Brütal Legend, au contraire, est trop réfléchi et trop expérimental. Si le jeu fonctionne tant bien que mal, c'est moins comme un hommage au sens strict que comme une interprétation personnelle du mythe par un fan au cerveau bouillonnant, ce qui n'est pas sans donner à l'aventure une couleur plaisamment insolite. Mais pour le vrai jeu heavy metal, il faudra s'aventurer sur des terrains plus sauvages, ceux de God of War par exemple. Brütal Legend, lui, tient finalement plus des expériences hasardeuses du rock progressif.