mardi 4 août 2009

Bring it : pari d'ami

Lançant un défi aux joueurs, un site américain offrira bientôt la possibilité de parier de l'argent réel sur ses matches personnels, jetant une curieuse passerelle entre le monde de la compétition sportive et celui, beaucoup plus fumeux, des casinos en ligne.


Actuellement en beta fermée, le service entend ainsi capitaliser sur l'esprit compétitif des gamers. Rien que le nom : Bring It, montre-moi de quoi tu es capable, une expression américaine exprimant l'orgueil et le défi. Défi d'ailleurs présent au cœur-même du système : un joueur lance ou relève un challenge, les deux participants parient une somme d'argent réelle sur l'issue du match, somme d'argent bloquée par le service puis allouée au vainqueur. Pour limiter les coûteuses déconfitures, les mises maximum varient selon l'expérience des membres, de 5 dollars pour les dix premiers matches à 500 dollars une fois passé le cap des trente. La sélection jeu, couvrant les plateformes Xbox 360, Playstation 3, Playstation 2 et Wii, dégouline elle de testostérone : Madden NFL, FIFA, Fight Night, mais aussi Halo 3, Gears of War 2, Call of Duty 4, Killzone 2 ou Rainbow Six Vegas 2 – forte dominante sport et flingues, donc, incluant néanmoins quelques exceptions casual telles que Guitar Hero/Rock Band 2 ou Mario Kart Wii.

On sent qu'on est ici à la limite légale d'un concept, en l'occurrence le jeu (vidéo) d'argent en ligne, très surveillé aussi bien aux Etats-Unis qu'en France (Eric Woerth, ministre du budget, avait cependant annoncé en début d'année un projet de loi visant à assouplir les restrictions actuelles). Si le fondateur, Woody Levin, soutient qu'il s'agit là de skill et non pas de hasard, comme la roulette ou le poker, les résidants de onze états américains refusant toute forme de pari en ligne (dont l'Alaska, le Colorado ou la Floride) seront interdits de cité. On ne s'étonnera donc pas de voir le responsable prendre ses distances avec le monde du casino pour se rapprocher de celui du sport. "En fin de compte, ce sont vraiment des athlètes", affirme-t-il dans une interview accordée à ESPN.com, site officiel d'un des principaux networks mondiaux de chaînes sportives. On ne s'étonnera pas non plus de le voir tisser des liens avec la communauté des joueurs dits "professionnels". Plusieurs d'entre eux feraient d'ailleurs partie des 250 personnes invitées pour le beta-test.

C'est ce flou juridique et conceptuel dans laquelle la société semble évoluer qui dilue le message et génère la confusion. Si, d'après Levin, l'objectif principal est "le fun" et pas de "payer son loyer avec des tournois", le site promet cependant qu'il n'existe "aucune limite aux sommes d'argent pouvant être gagnées grâce au jeu vidéo" outre la skill du joueur et son "esprit compétitif". "Etes-vous prêt à récupérer quelque chose pour toutes ces heures passées sur vos consoles ?" lance ainsi la page principale, comme si le jeu vidéo était soudain devenu un job à mi-temps sur lequel on pourrait espérer toucher un revenu. Sans même mentionner les doutes entourant le respect des règles au sein d'une culture reposant en partie sur la recherche de glitches, l'exploitation de bugs et les cheat codes. "Comme sur les terrains réels, nous attendons des membres un comportement irréprochable et courtois que ce soit dans les forums ou pendant les matches", avertit le règlement, promettant l'application d'une "tolérance zéro". Ce ne sera certainement pas le seul challenge pour un service ayant choisi de se poser en équilibre précaire entre le monde censé noble de la compétition et celui déjà beaucoup plus nébuleux des bookmakers amateurs.