mardi 26 janvier 2010

Mass Effect 2, version IMAX

À jeu géant, présentation hors norme. Electronic Arts a fait de son mieux pour entrainer les médias dans l'espace. Dans la salle IMAX de la Géode à Paris on ne vous entend pas non plus vraiment crier, ou alors d'étonnement.


Il n'est même pas nécessaire de passer par l'écran de la Géode comme en a eu l'initiative Electronic Arts jeudi dernier pour s'en rendre compte. Mass Effect 2 est très probablement le plus beau jeu Xbox 360, toutes périodes confondues. Il s'aligne et dépasse même sans doute le haut de gamme de la PlayStation 3 comme Uncharted 2. Le level design rigoureux aperçu de Mass Effect 2 (MA2), la taille contrôlée des environnements explorables, comme dans Uncharted justement, permet au studio Bioware de pousser au maximum tous les effets de textures, de lumières, de reflets, de transparences, de forcer sur les polygones jusqu'à bien arrondir les angles des corps et volumes et ajouter une infinité de détails sur les équipements des héros. Les visages eux-mêmes impressionnent de finesse. Humains avec ou sans cicatrices, ou extra-terrestres frippés avec boursoufflures et ridules géantes. Tout cela sans qu'une baisse de framerate ne se fasse remarquer pendant les scènes d'action. À quelques effets d'escaliers près aperçus sur les petits écrans Samsung de démonstration, le rendu graphique correspond à celui des bandes-annonces HD téléchargeables sur Xbox 360. Mass Effect 2 est définitivement un jeu de 3e génération sur Xbox 360. Pour donner un ordre d'idée, la qualité visuelle en temps réel frôle celle du film en images de synthèse Final Fantasy : Les créatures de l'esprit. Un compliment pour le jeu mais le film datant de 2001, on voit que le jeu vidéo a encore un net retard sur les capacités digitales du cinéma. Presque 10 ans si l'on prend Mass Effect 2 en repère.

L'éditeur semble être tout à fait conscient des qualités visuelles exceptionnelles de MA2 et plutôt que de le déclarer au porte-voix, une présentation sur l'écran IMAX de la Géode à Paris valait bien des discours. Pas d'entourloupe, quoiqu'incurvée, l'image du jeu a bien gardé ses proportions 16/9 mais n'occupait évidemment qu'une partie de l'écran hémisphérique. Voir un jeu projeté dans de telles dimensions, assis dans de vrais fauteuils de cinéma occupés par plusieurs centaines de personnes, médias et gamers invités, provoque un drôle d'effet. D'abord une belle sensation de confort et d'immersion digne du cinéma, puis l'impression que le jeu vidéo, brusquement, a les ressources technologiques suffisantes pour passer à la vitesse supérieure. Ou plutôt à la taille supérieure. L'affichage géant accentuait forcément l'aliasing et enlevait éclat et contrastes aux couleurs, mais le choc était réel. Impeccables et proches des joueurs, speech et démonstration en temps réel d'Adrien Chow, "producteur" chez Bioware nous dit-on, a fait grande impression. Sa routine pourtant maintes fois répétées à travers le monde avant la France ne se ressentait pas en dehors de l'absence totale d'hésitations. Un sacré professionnel de la communication.

C'est bien gentil ces histoires de "graphismes" crie un lecteur au fond de la salle, mais le jeu lui-même que vaut-il ? Pour y répondre sérieusement il faut y toucher, ce qui n'a pas encore été le cas. L'observation minutieuse des joueurs aux manettes dans la salle d'attente avant la "séance" a tout de même permis de relever de belles choses. Reconfirmons-le encore une fois, on peut croire toutes les bandes-annonces, en version HD. Dès la création du héros, au choix masculin ou féminin, la différence avec le premier Mass Effect se ressent. Les scènes de dialogues, en anglais, sonnent plus "vraies" que le premier épisode. Le principe de sélection des répliques pose toujours un problème de latence au milieu des conversations et continue d'enlever tout sens du rythme que doit avoir une scène de dialogue entre plusieurs personnes. Le problème conceptuel de cohérence narrative provoqué par ces dialogues à choix multiple adorés par les amateurs de jeux de rôle à textes n'est pas encore résolu. Ni ici ni ailleurs. Les cadrages, voire le montage, redonnent heureusement du lustre cinématographique à ces scènes trop hachées. Les séquences de tir, toujours à la 3e personne et très vite au début de l'aventure, sont d'évidence beaucoup plus nerveuses. À l'œil, on jurerait qu'elles appartiennent à un jeu d'action à part entière contrairement aux mous échanges de Mass Effect 01. Après le bel exemple de Borderlands, la cohabitation d'un jeu d'action digne de ce nom et du jeu de rôle sans compromis de Mass Effect 2 semble enfin confirmer la fusion prochaine, complémentaire et systématique, des genres pour atteindre l'idéal d'un jeu total sans point faible (à moins de travailler volontairement à des jeux de rôle rétro concept descendant directement des jeux de rôles papier ou de plateau). Un petit doigt nous dit qu'un des meilleurs exemples de cette fusion viendra de la nouvelle couveuse id Software (Quake, Rage…) et Bethesda Sofware (les Fallout et Elder Scrolls).
Parmi la multitude de détails contenus dans un Mass Effect 2 visiblement réalisé avec beaucoup d'amour et d'attention, le contrôle manuel de son petit vaisseau, presque comme celui du Capitaine Olimar dans Pikmin, de planètes en planètes sur la carte en 3D de la galaxie, montre que, malgré son grand sérieux, ce Space Opera là veut aussi détendre l'atmosphère. L'aquarium géant à entretenir dans les quartiers du héros et le "hamster de l'espace" dans sa cage y contribuent aussi.

Sortie sur Xbox 360 le 28 janvier en France.

Nota bene, les dessous du jeu vidéo…
Pas facile de suivre. À la présentation presse de jeudi dernier à la Géode, le 21, tout le monde a été obligé de s'engager, en apposant sa signature, à ne rien publier sur le jeu avant le 26. Aujourd'hui jeudi 26, des tests, et non des avant-premières, fleurissent sur les sites français. À quoi bon cette présentation d'un soir et cet embargo factice si, au fond, des versions de tests allaient être mises à disposition de certains magazines et qu'aucun papier dit de "preview" ne pouvait sortir entre-temps ? Les coulisses de la presse jeu vidéo deviennent de plus en plus tordues, et contrôlées. Passons.

dimanche 3 janvier 2010

Dix expériences incontournables de 2009...


Assassin's Creed 2 (Ubisoft Montréal, PS3/X360)
Certains auront trouvé la première version, sortie il y a deux ans, un peu fade. Pourtant, cette suite le prouve : la fluidité des mécanismes plateforme, la précision des contrôles, la qualité de l'animation, cette sensation unique de liberté et de légèreté… l'essentiel était déjà là. Des bases solides qui ont permis à l'équipe Ubi canadienne d'envisager sereinement et logiquement le futur du concept : plus de missions et de sous-missions, plus de variété, plus d'exploration et d'énigmes, le tout relevé d'un soupçon d'aventure/rôle et de gestion. En bonus de luxe, l'univers Assassin's Creed se déploie enfin et révèle un scénario historico-parano style Da Vinci Code pas déplaisant du tout.

The Beatles : Rock Band (Harmonix/MTV, PS3/Wii/Xbox 360)
S'il y avait un groupe méritant une édition entière de Rock Band ou Guitar Hero, c'était bel et bien les Fab Four (next : Led Zeppelin). Mais au-delà de l'attrait quasi-universel de la tracklist (Oh ! Lucy in the Sky with Diamonds. Ouaiis ! I am the Walrus), Beatles : Rock Band s'est avant tout imposé comme l'un des tous premiers documentaires réellement interactifs et ludiques, bourré d'anecdotes pertinentes sur l'histoire et les méthodes de travail du quartet, assorti de nombreuses photos et même de vidéos d'époque. Plus que les rééditions d'albums, certainement le meilleur moyen de (re)découvrir l'un des plus grands groupes pop du vingtième siècle.

Closure (Tyler Glaiel, freeware Flash)
Tout pour plaire : un puzzle game retors aux mécanismes astucieux, dans un univers aux codes visuels et sonores largement inspirés de l'Eraserhead de David Lynch, le tout s'ouvrant sur des perspectives philosophiques. Ce que l'on ne voit pas existe-t-il vraiment ?

F.E.A.R. 2 (Monolith, PC/ PS3/X360)
Condensé et aboutissement de tout ce que le studio a fait jusque-là (Blood, Shogo, No One Lives Forever, Condemned…), F.E.A.R. 2 continue à s'éloigner du FPS pur pour privilégier une expérience hybride et atmosphérique empruntant au jeu d'aventure et, bien évidemment, au cinéma. A ce titre, le studio fait preuve d'un sens de la mise en scène épatant et accouche sans forcer de quelques séquences terrifiantes d'anthologie. Mais l'action n'est pas oubliée : s'attachant à satisfaire la soif de puissance du joueur avec une générosité rare, Monolith met à sa disposition arsenal impeccable, environnements méticuleusement conçus ne demandant qu'à voler en éclats, et jauge de ralenti offrant un avantage jouissif sur ses ennemis.

Flower (Thatgamecompany, PSN PS3)
Au lendemain du fiasco de Copenhague, le manifeste écolo de Jenova Chen et de son équipe reste plus que jamais d'actualité. Mais point ici de slogans braillards ou de délires alarmistes. Optant pour un propos, une démarche et un traitement uniques dans l'univers du jeu vidéo mainstream (le titre est produit par le géant Sony Computer Entertainment), Flower préfère la subtilité et la poésie, menant son combat bien réel à coups de brises et de pétales délicats. Salutaire à tous niveaux, une excursion sensorielle hors des moules habituels de la culture gamer, fleur au fusil.

Gravity Bone (Brendon Chung, freeware PC)
Ni une démo, ni un prototype, mais une expérience pensée et à la durée assumée, les quinze petites minutes de cette aventure racée aux effluves de mystère sont un petit régal de choix esthétiques audacieux et de fin storytelling évoquant le classique No One Lives Forever de Monolith. Forcément trop court, bien sûr, mais c'est là l'intérêt : plus qu'une fin en soi, Gravity Bone est un formidable tremplin pour l'imaginaire.

LostWinds 2 (Frontier Developments, WiiWare)
L'insouciance enfantine qui caractérisait le premier volet (excellent) a laissé la place à une aventure plus sombre et le jeu y gagne en puissance narrative, flirtant presque avec le conte. Mais parmi les réussites de la nouvelle version, on retiendra surtout la mécanique de changements de saisons, laquelle démultiplie les possibilités de jeu tout en restant fidèle au thème principal de la série, les interactions avec les divers éléments naturels. Un jeu qui a très bien mûri en somme, et ce à tous les sens du terme.

Noby Noby Boy (Keita Takahashi/Sony, PSN PS3)
"On aime ou on n'aime pas", "un jeu qui va diviser", a-t-on pu lire ici et là, comme s'il s'agissait là d'un cas compliqué. Alors qu'en fait, rien de plus simple. Voilà un vrai jeu d'auteur, refusant tout compromis (score, objectifs…) et ramenant le loisir à sa plus pure expression : la découverte de mécanismes interactifs, la curiosité et l'expérimentation. Plus proche de l'univers du jouet que de celui du jeu, Noby Noby Boy avance complètement nu et assume sans détour l'inutilité inhérente du médium. Gagnant facilement le titre d'œuvre ludique la plus audacieuse de 2009.

Swords and Soldiers (Ronimo Games, WiiWare)
Le nouveau challenge des créateurs originaux de De Blob ? Un jeu de stratégie temps réel pas en 3D, ni même en 2D, mais en 1D, soit sur une bataille épique se livrant sur une seule et unique ligne horizontale. Un croisement de Lemmings et de Warcraft donnant au RTS l'immédiateté et le fun du jeu d'arcade et, surtout, réalisant la synthèse parfaite et radicale des mécanismes classiques du genre.

Uncharted 2 (Naughty Dog, PS3)
Il aura fallu une seconde version au studio pour concrétiser pleinement des ambitions certes présentes dans l'original. Mais en deux ans, les progrès ont été remarquables : sens affûté du rythme et de la mise en scène, variété des séquences de jeu et des situations et, surtout, un niveau de qualité et un souci du détail que seuls ceux qui démarrent avec une idée extrêmement précise de leur projet – et qui disposent de la rigueur et de la discipline nécessaire pour maintenir l'intégrité de cette vision tout du long du développement – peuvent se permettre. Le premier vrai blockbuster Playstation 3, la machine qui, il y a quatre ans, promettait la fusion des univers jeu vidéo et cinéma.

... et cinq coups de cœur.

Bit.Trip Beat
(Gaijin Games, WiiWare)

Grand écart vertigineux entre préhistoire et contemporain, entre Pong et la synesthésie de Tetsuya Mizuguchi, le premier d'une série de titres néo-rétro (Core et Void sont sortis depuis, en attendant Runner, le quatrième) établit une corrélation directe entre la skill du joueur et l'extravagance de l'habillage visuel et sonore. Bit.Trip, littéralement.

Deadly Creatures (Rainbow Studios, Wii)
Clair jeu de genre (action/aventure plutôt codifiée, thème principal fleurant bon le film d'insectes dangereux), Deadly Creatures sort du produit calibré "frisson facile" grâce à une poignée de choix intelligents : la nature des protagonistes – qui marchent au plafond ou sautent de toile en toile – y est pour beaucoup, mais le studio prend également bien soin d'éviter tout contact humain, entretenant ainsi le mythe d'un monde grouillant, souterrain et terrifiant.

Dead Space Extraction (Visceral Games/Eurocom, Wii)
Concentré des qualités de l'original (toute la mécanique de shoot, le storytelling…), cette déclinaison sur rails façon Time Crisis/House of the Dead surprend par son rythme inattendu, délaissant le blockbuster action qui semble nourrir le genre pour l'intimité des pages de comic book.

Drop7 (Area/Code, iPhone)
Difficile de choisir un seul jeu tant la plateforme, dont la popularité n'est plus à prouver, s'est désormais imposée comme un refuge de choix pour toutes sortes de perles indé. Drop7 remporte cependant très largement la palme en termes d'heures de jeu pures. Elégant (au propre comme au figuré) puzzle game mathématique évoquant Tetris ou Sudoku, on y joue partout ; au resto en attendant l'addition, durant les pubs d'un match de foot U.S., au lit en attendant l'extinction des feux, etc.

The Saboteur (Pandemic, PC/PS3/X360)
Les séries B ont parfois du bon et avec ses petits bugs graphiques rigolos, ses balades sur les toits d'un Paris fantasmé, sa vision complètement fantaisiste de la Seconde Guerre Mondiale et sa poignée de bonnes idées, le dernier jeu du studio Pandemic (littéralement) offre une expérience Assassin's Creed-like étonnamment chaleureuse, les aventures d'un Zorro résistant aux prises avec des nazis plus bêtes que méchants. Loin d'être parfait, mais parfaitement charmant.

jeudi 31 décembre 2009

BEST OF 2009 : Les jeux, les jeux, les jeux

Cet espace à la marge depuis la fermeture de la façade officielle d'Overgame n'est pas mis à jour avec beaucoup de régularité - que les lecteurs encore de passage nous excuse. Mais, qu'on ne s'y trompe pas, les deux voix qui s'y expriment encore restent totalement attachées au jeu vidéo. Avec la même passion et la même exigence. Voici ce qu'elles ont à dire sur les jeux qui ont marqué les 12 mois de l'année 2009.


(le best of d'Eric Simonovici est à venir)


Best of jeux 2009

François Bliss de la Boissière


Comme d'habitude ici, les créations originales restent privilégiées aux suites attendues, même quand celles-ci font mieux que leurs prédécesseurs ou que les titres inédits. On ne voit pas pourquoi les gamers devraient payer les répétitions et les pots cassés de productions qui auraient besoin de 3 épisodes payés plein tarif pour trouver leur bonne formule. Le Work in progress live et payant devrait cesser pour les grosses productions. Un mot aux développeurs à propos des contenus additionnels. Ne placez pas la difficulté des chapitres inédits à acheter au niveau de la fin du jeu principal. C'est une décision qui déboute les candidats potentiels. La majorité des jeux ne sont pas terminés par les joueurs, souvent à cause de la difficulté, mais on peut tout à fait avoir envie d'y jouer davantage. A condition de ne pas se faire laminer dès le début du DLC.


Meilleurs jeux originaux / consoles de salon 2009


- InFAMOUS (PS3) : Le studio Sucker Punch a tout compris des besoins et des envies d'un free roaming game pour sa première réalisation PS3. Le jeu qui dégage le plus de liberté physique, qui offre le plus d'aptitude et de plaisirs à la gymnastique sur les toits depuis toujours. Bien plus sophistiqué au bout des doigts que l'excellent Assassin's Creed II par exemple.

- Little King' Story (Wii) : Encore un bijou pour tous les âges qui passe inaperçu sur une Wii qui ne se porte jamais mieux que quand elle accueille des expériences graphiques et interactives artistico-créatives. Douillet comme un RPG époque 16 bits, agréable comme un Pikmin, fin comme un Okami, drôle comme une BD d'humour transgénérationnelle.

- DJ Hero / The Beatles : Rock Band (ex aequo) : S'il fallait en retenir 2 dans la déferlante des jeux musicaux, ce serait immanquablement ceux-là. Un peu raide et décevant côté musique, DJ Hero raccroche enfin la guitare au profit d'un platine de mixage. La très chic version Beatles de Rock Band signe aussi la fin de la domination du gros rock sans nuance sur le genre. À apprécier comme de nouveaux départs même si dans les 2 cas les prix de vente restent prohibitifs.

- Batman : Arkham Asylum : Ça déborde de muscles apparents mais ils étaient déjà bien visibles dans la BD de référence. L'adaptation réussie d'un univers venant d'un autre médium est si inhabituelle quelle provoque un choc que l'on voudrait voir se répercuter sur toutes les autres tentatives.

- Mini Ninjas : Un gentil héritier des Zelda, du cell shading, de la culture Ninja, de la bande-dessinée, du dessin animé et, plus généralement, d'un bon esprit qu'on aimerait retrouver plus souvent dans le jeu vidéo.



Meilleures suites 2009 / consoles de salon


- Assassin's Creed II (Xbox 360) : Confirmation que le premier jeu n'était qu'un brouillon, que l'ambition du projet nécessitait encore plusieurs années de travail, et que l'équipe d'Ubisoft Montréal est capable de mener à bien des jeux d'une qualité technique et artistique exceptionnelle.

- Uncharted 2 : Among Thieves (PS3) : Confirmation que le premier jeu était si formidable qu'il fallait tomber dans la surenchère pour faire mieux. Génial mais attendu. La rançon du talent.

- Forza Motorsport 3 (Xbox 360) : En trois temps et autant de tentatives, la série Forza réussit à se hisser à la hauteur technique du modèle Gran Turismo. Il manque encore une richesse structurelle mais en terme de conduite il n'y a pas mieux. En attendant le retour du patron.

- Killzone 2 (PS3) : Plus une réinvention qu'une suite puisque le premier jeu date de la PS2, Killzone 2 lasse quand il se la joue Call of Duty de l'espace mais épate par sa technique, la réactivité des ennemis et quelques fulgurances graphiques.

- Colin McRae : Dirt 2 : Un confort de conduite en toutes circonstances, mêmes les plus chaotiques, pour une réalisation technique très impressionnante qui cache avec habilité quelques raccourcis de game design, comme le manque de trajets A-B au profit de circuits en boucle déplacés en si grand nombre dans une simulation de rallye.

- Call of Duty : Modern Warfare 2 : Peu à redire en terme de dynamique de gameplay, de recherche de rythme et d'impact sensoriel, la série reste maître sur ce terrain. Si seulement un minimum de cohérence intellectuelle voulait bien suivre.

- Silent Hill : Homecoming : Le pire était à craindre de ce développement confié à une équipe américaine et le meilleur en est presque sorti. Techniquement abouti, respectueux des codes esthétiques et des frissons originaux, non seulement cet épisode ne fait pas honte aux précédents mais il fait mieux que d'autres.

- Street Fighter IV : Bien vu Capcom qui opte pour un relookage visuel BD chic spectaculaire tout en gardant les bases du gameplay 2D original. Consensus générationnel réussit. Au point que l'exploitation de la série semble déjà bien relancée avec un "Super" SFIV déjà attendu au début 2010.

- Fight Night Round 4 : À chaque itération, EA Canada signe de mieux en mieux sa droite, sa gauche, son jeu de jambes, et la modélisation hyper réaliste des boxers en sueurs. Très impressionnant.


Meilleurs outsiders avec du style


- Borderlands : Les affolants et hilarants trailers conduisent à un mélange de FPS et de RPG plus prometteur que totalement satisfaisant mais bouillonnant d'envies contagieuses. Le délirant et abouti design s'inspire directement du trait BD de Tanino Liberatore (Ranx Xeros) pour accoucher d'un univers punk/Mad Max original dans le jeu vidéo.

- The Saboteur : Plus fantasmé que sérieux, le Paris vu de Californie a le mérite d'esthétiser un Paris noir & blanc que n'oserait même pas l'amateur de chromo Jean-Pierre Jeunet et d'offrir, via un DLC offert aux acheteurs neufs du jeu, des nudités full frontal de cabaret agréablement (dé)culottées.

- Brutal Legends : Beaucoup de soin, de bonnes volontés, d'idées même, mais le look et l'ambiance hard rock US, têtes de mort et dragon c'est à la fois très américain et plus ringard que contemporain, même avec clins d'œil.

- WET : Raté mais avec panache. L'ambiance pulp 70's régurgité par la culture Tarantino aurait pu faire merveille si le gameplay avait été à la hauteur des trailers punchy.


Best of mobiles


- Grand Theft Auto : Chinatown Wars (DS) : Belle réinvention du principe de jeu qui se fait l'écho de la version 3D tout en rappelant les origines top down view 2D de la série tout en exploitant les possibilités tactiles du stylet de la DS. Encore un incroyable exemple de game design pensé jusqu'au bout par Rockstar.

- Rythm Paradise (DS) : Nintendo se penche à son tour sur les jeux de rythmes musicaux et, patatras, trouve le moyen de remettre en même temps sur la table tous les principes déjà établis pour mieux les contourner, les explorer et interroger sans le dire la position du joueur. A ce niveau de manipulation post WarioWare on reste le souffle coupé.

- Rolando 2 : Quest for the Golden Orchild (iPhone) : Originellement pompé sur les LocoRocos de la PSP et PS3, cette création indé trouve sa marque originale grâce une inventivité tout terrain (littéralement) et à l'exploitation des possibilités de contrôle de l'iPhone.

- The Legend of Zelda Spirit Tracks (DS) : La réexploitation du moteur graphique et des couleurs cartoons rugueuses sur DS commencent à sentir le réchauffé, peut-être aussi à cause d'un tchoutchou sympathique mais peu sexy à côté du bateau précédent. Un rapport je t'aime/moi non plus commence à s'instaurer avec les personnages historiques de Nintendo qui répondent de plus en plus présents comme des fonctionnaires du jeu vidéo.

- Big Band Mini (DS) : Encore une évidence de réinvention maligne et raffinée d'un gameplay à l'ancienne par les super artisans (c'est un compliment) du studio français Arkedo déjà responsable du génial Nervous Brickdown

- Edge (ou Edgy) (iPhone) : Les choses les plus simples peuvent devenir les plus fascinantes avec le bon équilibre de design graphique épuré, de game design et de touché. Un puzzle action game qui se réinvente lui-même grâce, encore, aux contrôles inhabituels de l'iPhone.


Best of rééditions…


- Donkey Kong Jungle Beat (Wii) : Un oublié explosif de la ludothèque GameCube qui retrouve une nouvelle vie, toujours aussi épuisante, avec le couple Wiimote/Nunchuk à la place des Bongos originaux.

- Pikmin 1 et 2 (Wii) : Impossible de manquer les si logiques remixes versions Wii des dernières vraies créations originales signées Shigeru Miyamoto dans la catégorie jeu vidéo "traditionnel".

- God of War trilogy (PS3 US)

- Metroid Prime Trilogy (Wii)

- Chrono Trigger (DS)

- Myst (iPhone) : Vertige, le responsable de la popularisation du support CD-Rom dans les années 90 se joue maintenant en touchant un écran lové dans la paume de sa main. Choc spatio-temporel.

- Banjo-Tooie (XBL)

- Flashback (iPhone)

- Oddworld 1 et 2 (PSN)

- Final Fantasy VII (PSN)

- The Secret of Monkey Island : Special Edition (XBL / PC)

- Fable II en épisodes (XBL) : Belle initiative de Peter Molyneux de trouver un nouveau public en le convainquant de jouer, et donc de payer, chapitre par chapitre. D'autant plus courageux que le jeu n'a pas été conçu pour ce morcellement. Un probable modèle pour le jeu dématérialisé de demain.


Best of jeux téléchargeables


- Flower (PS3) : Jeu de l'année pour les magazines les plus affutés et qui auront raison. Sortie du bouillonnement subaquatique créatif du déjà exceptionnel flOw, Flower constitue indubitablement un énorme progrès dans la notion même de ce que peut exprimer un jeu vidéo.

- PixelJunk Shooter (PS3) : Encore une mine d'or sensorielle néorétrograde et totalement jouable de l'équipe déjà responsable d'Eden.

- Shadow Complexe (Xbox 360)

- NyxQuest : Kindred Spirits (WiiWare)

- Lost Winds 2 Winter of the Melodias (WiiWare)

- Trine (PS3 mais trop cher à 20 €)

- Machinarium (Mac/PC) : Un pointé-cliqué à l'ancienne à l'ambiance cliquetis zen humour noir qui entraine la scène des Flash games vers de nouvelles profondeurs.


Best of DLC (contenu additionnel)

- WipEout HD Fury (PS3) : Totalement époustouflant.

- GTA IV : Episodes from Liberty City (The Lost and the Damned / The Ballad of Gay Tony) Xbox 360

- Mirror's Edge (PS3)

- The Saboteur


Déceptions dramatiques…


- Resident Evil 5 : Psychorigide à tous les niveaux : gameplay raide antédiluvien, aveuglement à l'imagerie africaine exploitée vulgairement.

- Wii Sports Resort : Miis, visuels, bruitages, "musiques", vus et revus et réentendus maintenant depuis 3 ans et la sortie du premier Wii Sports. Ce n'est plus drôle.

- The Conduit (Wii) : Les commentaires post E3 2009 ont laissé croire à l'existence d'un super FPS bien tenu sur la Wii. A l'arrivée le jeu hyper rigide rappelle l'époque Nintendo 64 plus qu'autre chose.

- New Super Mario Bros. Wii : Sans faire de procès d'intention à Nintendo et Miyamoto-san qui ont certainement raison de viser une catégorie de public nostalgique ou encore déconcerté par la 3D, on s'étonne de la platitude de l'ensemble, du niveau de difficulté absurde dès le 2e monde dans le sable qui, après coup, explique davantage la présence du Super Guide. Et les parties chaotiques à plusieurs n'ont pas la suavité juvénile de Little Big Planet.

- Bionic Commando : Tout semblait réunit pour relancer le héros dans les années 2000 et puis, au touché, le jeu échoue à faire plaisir.

- Fuel : L'open world version courses motorisées donne envie sur le papier et peine à trouver vraiment ses marques. Même l'impeccable série Burnout a déconcerté en s'y essayant. A fortiori un jeu techniquement faillible.

- Avatar : L'attraction du film de Cameron était si forte qu'on a cru que le miracle espéré du film (et plutôt atteint) irait jusqu'au jeu. Hélas, le relief du jeu ne profitant à personne, il ne reste qu'un jeu d'action bien morne.

- Gran Turismo (PSP) : Non seulement jouer sur PSP est une épreuve en soi – temps d'accès, MAJ fréquentes, autonomie - mais la version a minima du monstre de Polyphony Digital perd tout intérêt sans sa maniabilité haut de gamme et sa structure complexe.


Faits notables du point de vue gamers…


- La consolidation des jeux open world désormais presque tous fiables : Assassin's Creed II / The Saboteur / Prototype / Borderlands…

- Le succès commercial stratosphérique de COD : Modern Warfare 2 qui risque de faire – comme GTA en son temps - un paquet d'émules (à commencer par le reboot de la série Medal of Honor d'Electronic Arts).


STOP…

- La game Musicexploitation ! Selon les pays pas toujours alignés, Guitar Hero World Tour + Metallica + Van Halen + Greatest Hits +, enfin, le 5 en 12 mois ça fait beaucoup, non ? Sans même compter les versions portables, les Rock Band 2 + Classic Rock Track Pack + Country Track Pack + Track Pack Metal + The Beatles + Lego Rock Band c'est aussi l'overdose. Et que dire du spamming permanent des stores Xbox et PS3 que constitue l'empilement interminable de chansons à acheter au détail pour les uns ou les autres. Et par dessus tout ça on rajoute un Band Hero, un Rock Revolution. Et on s'étonne que le pourtant pas si mal DJ Hero ne trouve pas sa place ? Comment ça il y aussi une multitude de jeux de karaoké ?!

- La Sonicexploitation de plus en plus dure, et embarrassante.

- Les trop nombreux et peu intéressants contenus additionnels de l'adorable Little Big Planet qui frôlent la mendicité et finissent par polluer le PS Store.

- Le racolage à outrance du public de masse par Nintendo.

- Les packs consoles démultipliant les offres, les tarifs, les ristournes sous 3 mois (et pourquoi pas tout de suite), les écarts de prix et la reconduction des fractures numériques (sans DD ? 60 Go ? 120 Go, 250 Go ?).

- Les "carnets de développeurs" pseudos documentaires making-of promotionnels jusqu'à l'obscénité.


ENCORE…

- Noby Noby Boy

- Les jeux en noir & blanc façon The Saboteur.

- Les jeux concepts à vocation universelle comme Flower.

- Les remixes HD façon les Banjo Kazooie sur Xbox Live ou les God of War sur PS3.(Qui a dit Ico et Shadow of The Colossus en parallèle à la sortie de The Gardian ?)

- Le fignolage incroyable des jeux supervisés par Sony. Killzone 2, Uncharted 2, Ratchet & Clank, inFAMOUS, Flower… c'est un quasi sans faute non ?

- Le dynamisme et la capacité de renouvellement de l'interface de la Xbox 360.

- Le jeu en relief envisageable sur PS3 dès 2010 !

mardi 15 décembre 2009

The Saboteur : S comme Zorro

Pour son dernier titre (littéralement), Pandemic offre une vision fantasmée et extrêmement romantique de la capitale, les aventures d'un résistant surhomme aux prises avec des nazis plus bêtes que méchants. Un peu bancal mais plutôt intéressant.


La fermeture d'un développeur de jeu quelques jours avant la sortie de son tout dernier titre est rarement très bon signe. C'est pourtant ce qui est arrivé à Pandemic, dans la foulée d'une réduction importante d'effectifs (1500 postes) décidée par la maison-mère Electronic Arts il y a quelques semaines. Non pas que l'on soit terriblement surpris : ni franchement horrible, ni sauvagement génial, le studio s'est fait connaître avec quelques productions sympathiques (Full Spectrum Warrior, Destroy All Humans !) sans jamais néanmoins parvenir à réellement se faire un nom, au contraire des cousins Bioware avec lesquels ils s'étaient associés en 2005. De Saboteur, on se souvient d'une présentation hallucinante à l'E3 dernier. Soi-disant basé sur le Paris occupé du début des années 40, le jeu empilait déjà avec enthousiasme des invraisemblances tellement énormes qu'elles en devenaient comiques : enseignes promettant du "pain délicieux" ou du "sexe bon marché", présence d'un red light district où les bars ressemblent à des saloons de westerns.

Saboteur, c'est d'abord un jeu qui fantasme complètement son sujet, de la géographie des lieux (la capitale entourée de montagnes, la Picardie juste derrière le périphérique…) à l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale, en passant par la menace nazie. De Paris, Pandemic ne retient que l'ultra-superficiel et la carte postale : les néons – dont la présence est accentuée par la jolie charte graphique noir et blanc à la Sin City –, les toits brillants, les immanquables (Tour Eiffel, Montmartre…) et l'indispensable accordéon dans la bande-son. Le choix du GTA-like, lui, estompe les efforts de la Résistance en tant qu'entité globale au profit des exploits d'un seul (sur)homme, mercenaire surdoué auquel rien ne semble résister. On le verra donc avec incrédulité faire exploser tourelles et blindés à lui tout seul, étaler des nazis en pleine rue sans que personne n'y trouve à redire, décimer des patrouilles entières avec à peine une égratignure, ou déjouer le Reich tout-puissant lancé à ses trousses en cherchant refuge dans un simple cabanon.

Il y a du coup quelque chose de très romantique dans la vision de Pandemic ce qui, en termes de jeu, n'est pas complètement déplaisant. Evoquant une version moins aboutie techniquement mais plus chaleureuse d'Assassin's Creed, le joueur arpente les rues et les toits parisiens à la recherche de mitrailleuses sol-air ou de radars, s'arrêtant occasionnellement sur le chemin pour délivrer une belle demoiselle harcelée par un soldat nazi, tel un Zorro résistant. L'intelligence artificielle, niveau Sergent Garcia, facilite grandement la tâche : régie par des règles simplistes, elle ne s'affole que très modérément (qu'il y ait corps en pagaille au sol ou structures démolies) pourvu que le joueur soit hors de sa "zone de suspicion", myope au point de parfois s'arrêter à quelques mètres à peine de la scène du crime, permettant par exemple au joueur de sniper dans une scandaleuse impunité en un minimum d'effort.

Tout cela n'est pas désagréable : les missions sont plutôt intéressantes, le pilotage de véhicules surprend par son répondant, et un système de méta-objectifs avec récompenses "tangibles" (voitures, coups supplémentaires…) apporte un peu de structure au "bac à sable" traditionnel de l'open world, en plus des multitudes de cibles libres à détruire. Quelques bugs plus drôles que méchants subsistent (soldats volants ou à moitié ensevelis dans le sol, gestionnaire de collisions pétant soudain les plombs) – le jeu en devient presque touchant. Car c'est un peu cela Saboteur : ni franchement horrible, ni sauvagement génial, mais avec le charme sincère de ceux qui ont donné tout ce qu'ils ont pu, jusqu'à exposer les limites supposées de leurs compétences, pour concrétiser une poignée de bonnes idées. Pour des seconds couteaux, on fait pire comme épitaphe.

jeudi 10 décembre 2009

FORZA MOTORSPORT 3 vs GRAN TURISMO 5 : Les absents ont toujours tort

De l'art et la manière dont regorge Gran Turismo, Forza 3 a du second et pas encore du premier. Inutile de faire semblant, chaque minute de Forza 3 renvoie à son modèle Gran Turismo. Alors regardons en face.


Quatre ans. Il aura suffit de seulement quatre années à la série Forza Motorsport initiée par Microsoft pour se hisser à la hauteur de Gran Turismo. Quatre années qui correspondent peu ou prou à l'OPA technologique que les États-Unis ont réussi à faire sur l'industrie du jeu vidéo japonaise. Dès la première tentative sur Xbox en 2005, Microsoft cachait à peine son objectif : faire sur sa console l'équivalent du fameux Gran Turismo de la japonaise PlayStation 2. Une tâche colossale qui a laissé quelques malheureux candidats sur le carreau (un soupir pour Sega GT sur Dreamcast par exemple). Prêt à tout pour convaincre définitivement le compatriote Electronic Arts alors leader de rallier sa cause sur Xbox, Microsoft a du jour au lendemain accepté de stopper la production de simulations sportives sous sa propre marque dès 2004. Mais tant qu'il s'agissait de concurrencer les productions japonaises impossibles à séduire ou indexer, le géant américain n'a pas lâché prise. Le résultat après trois tentatives progressant à la vitesse de l'écrasante volonté américaine, un Forza troisième du nom, et déjà aussi deuxième essai sur console HD, qui frôle pour de bon la référence toutes catégories confondues Gran Turismo.

Encore au garage
Pendant la même période, depuis le dernier grand rendez-vous Gran Turismo 4 sorti quelques mois avant le premier Forza sur PlayStation 2 en 2005, le maestro de Polyphony Digital est quasiment resté au garage. Le Gran Turismo HD Concept gratuit au lancement de la PlayStation 3, l'esquisse Gran Turismo 5 Prologue en 2008 et la nouvelle démo GT Academy 2010 offerte le 17 décembre prochain sur PSN continuent de teaser un Gran Turismo 5 complet qui joue indéfiniment les timides (mars 2010 au Japon). Et avec raison quand on voit le seuil qualitatif atteint par Forza 3. Mieux valait pour Sony et son studio laisser passer l'orage, observer l'adversaire, analyser les innovations et le fiable mode en ligne, point fort des productions sur Xbox 360. Quitte à se contredire, le célèbre patron du studio japonais, Kazunori Yamauchi, avait déclaré en juin dernier que GT5 était, au fond, prêt à sortir à n'importe quel moment, sous entendu quand son éditeur Sony le souhaitait. Au moment d'annoncer que le jeu ne serait commercialisé qu'au début 2010 et non à Noël 2009 comme supputé par tout le monde, Sony place un panneau descriptif à côté de la démo de GT5 du Tokyo Game Show de septembre qui précise que seulement 65 % du développement du jeu serait terminé. Que croire ? Peu importe. La réalité concrète aujourd'hui se nomme Forza Motorsport 3 et se joue dès cette fin d'année. A condition d'être équipé d'une Xbox 360.

Prise de distance
Forza 3 impressionne d'autant plus qu'il est seul en piste et a enfin compris les détails de mise en scène de l'interface lui greffant le cachet classieux qui lui manquait encore. Après les chocs telluriques Colin McRae Dirt 2 et d'un Need for Speed : Shift bien énervé, la force tranquille affichée et démontrée manette en main par Forza 3 a des allures de maître du jeu prenant de la hauteur. Le blanc des menus, les légers reflets des typos, les quelques lignes fines qui séparent des menus simples et épurés, l'électro chic et neutre de Lance Hayes, même la langueur des chargements entre les menus semble chercher une zen attitude imposant le respect à la Gran Turismo. Car le work in progress du studio Turn 10 appartenant à Microsoft va jusqu'à imiter, sans doute sans le vouloir, les défauts de son aîné. Les chargements bien trop longs des circuits, l'aliasing marqué, voire le petit pop up occasionnel d'un bout de décor, prouvent que la physique des moteurs et de la dynamique des jeux de voitures de ce calibre mangent une belle tranche des capacités de calculs, même des dernières consoles haut de gamme (cela étant dit, Dirt 2 des prodiges anglais de Codemasters, se passe à 99% d'aliasing sur Xbox 360 ET sur PS3).

Replay forever
Plutôt bien conditionné avant d'arriver enfin en piste, l'apprenti pilote ne doute plus de rien une fois la course lancée. Comme toujours, et heureusement, c'est dans l'action et l'échange interactif entre le gamer et le jeu que tout se joue. Plus vive que celle de Gran Turismo, sans doute un rien moins réaliste, la prise en main des voitures de Forza 3 offre tous les plaisirs d'une pseudo simulation. Les mains y croient et la tête suit. Nul doute que l'on pilote tel bolide, que l'on dispute la ligne d'arrivée avec 7 autres concurrents. Surtout, contrairement aux célèbres files indiennes de Gran Turismo, les NPC (Non Playable Cars) adoptent des comportements beaucoup plus excitants tout en restant tout à fait crédibles sur la piste. Les sorties de pistes des adversaires ne font pas forcées, le peloton cache bien son jeu, respecte les mêmes règles de conduite que le joueur, à la merci d'une fausse manœuvre crédible ou d'un dépassement risqué. Comme dans Gran Turismo pourtant, le pilote peut encore jouer sans réelle pénalité les stocks cars indélicats pour franchir un virage ou ouvrir le peloton. Optionnel, l'impact sur la conduite des dégâts visuels et mécaniques se règle à volonté. Il faudra voir quelle route les voitures incassables de Gran Turismo 5 emprunteront après cette leçon de maîtrise. Le premier Forza avait imposé le très malin système de ligne de conduite dessinée sur la route devant la voiture, au point de voir les apéritifs Gran Turismo 5 l'adopter. Polyphony Digital suivra-t-il également Turn 10 avec la mise à disposition totalement à volonté et illimité d'une fonction replay en cours de course, même de carrière officielle, comme l'ose Forza 3 ? Cette innovation conceptuelle inventée par Codemasters dans Race Driver : Grid puis Dirt 2 est en passe de s'imposer comme une option finalement indispensable. Pour les apprentis conducteurs comme pour les amoureux de la perfection, le bouton rewind appartient désormais au set de commandes du véhicule aux côtés de l'accélérateur, du frein et des passages de vitesse. Appuyer rapido sur le bouton Select du rewind avant de heurter de plein fouet la palissade et d'entendre le cash honteux devient éventuellement un mini défi en soi. Chacun y trouvera son utilité, y compris celui de le juger tabou et donc d'apprendre à le contourner. Encore un défi…

Encore un petit effort
Ce que ne fait pas Forza 3 en revanche et que Gran Turismo 5 ne manquera pas de proposer et souligner à sa sortie, c'est offrir des parcours de rallye et une météo variable. Pas de nuit, pas de pluie, pas de neige ou de verglas dans Forza 3, le soleil brille tous les jours dans des décors au rendu inégal, plus arcade à la Sega Rally que vraiment photo réaliste, et les carrosseries qui reflètent tout dans les moindres détails ne s'en portent pas plus mal. Mais en terme de renouvellement de l'expérience de la conduite, la simulation de Microsoft arrive vite à une limite. Même avec un échantillonnage de 400 voitures, et surtout 100 tracés officiels déjà bien souvent parcourus ici ou ailleurs. Toutes les pistes sur goudron renvoient ainsi le même impact de conduite, et beaucoup trop vite dans la structure pourtant assez élaborée du mode carrière, la difficulté se corse surtout en augmentant le nombre de tour des championnats. Le principe de répétition est évidemment inscrit dans toute pratique du sport. Il dessine aussi les limites de l'exercice. Beaucoup plus élaborée de ce point de vue là, la série Gran Turismo arrange ce mal nécessaire en multipliant les variations, les mini épreuves et les franchissements des fameux permis de conduire, test par test, centième de seconde par centième de seconde. Et, surtout, sur le modèle d'un bon RPG, Gran Turismo intègre la digestion progressive de son complexe système de jeu comme faisant partie du jeu lui-même. Efficace et sans doute trop direct malgré quelques fourches de choix, Forza 3 déroule son arborescence avec confiance mais sans magie.

Aîné et cadet nez à nez
Forza n'a plus Gran Turismo dans sa ligne de mire quelque part à l'horizon d'une route sinueuse, mais contre son pare-choc avant sur une ligne droite commune qui ne fait plus de quartier. En ne sortant pas à Noël 2009 et en laissant la passable version PSP Go prendre sa place, Gran Turismo 5 s'est offert un répit de quelques mois. La série de référence finira sans doute par arrêter de snober dans son coin en promettant le Graal de la simulation de conduite et rejoindre la grille de départ. En attendant, Forza est seul en piste* et les pilotes virtuels n'ont pas à se poser de dilemme déchirant.

* En tête aujourd'hui faute de concurrent, Forza 3 ne lâchera pas facilement sa pole position. A peine l'annonce de la nouvelle démo GT Academy 2010 mâtinée de championnats réels tombée le 3 décembre (pour le 17), Microsoft annonce 5 jours plus tard avoir vendu 1 millions de Forza 3 et la disponibilité immédiate d'un pack de nouvelles voitures à télécharger (400 points) ! La course n'est vraiment pas terminée.